Depuis le mois d’avril, les cours d’appel de Rennes et de Douai ainsi que le barreau de Lille expérimentent un nouveau logiciel de « justice prédictive », combinant mathématiques et justice.
Le logiciel « Prédictice » calcule par exemple les chances de gagner dans une procédure ou prédit le montant des indemnités que vous pouvez espérer toucher. Ces calculs sont établis en s’appuyant sur plus de deux millions et demi de décisions de justice déjà rendues, nombre qui va continuer d’augmenter. En effet, la loi sur le numérique, adoptée en octobre dernier, demande à la justice de mettre toutes ses décisions en accès libre. Le logiciel peut donc puiser dans cette masse colossale de données, le big data, et retourner des statistiques, comparer ce qui se fait d’une juridiction à l’autre, etc.
Le robot est pour l’instant en phase d’apprentissage mais devient de plus en plus intelligent. Pour Benoît Mornet, qui fait partie de la dizaine de magistrats de la cour d’appel de Douai qui testent Prédictice, les logiciels de ce type seront un outil précieux pour aider les juges à décider. Selon lui, « Ça permet d’être sécurisé dans la décision et d’être sûr que d’autres ont pu avoir des appréciations comparables. C’est une harmonisation plus qu’une uniformisation ».
Cet outil peut permettre de gommer des disparités géographiques et également redonner confiance en la justice. « Le vrai problème de nos concitoyens, c’est qu’ils ont un peu peur de notre justice, et on peut parfois les comprendre, parce qu’ils entrent dans un monde inconnu et ont parfois l’impression que c’est la loterie. Les systèmes de justice prédictive vont probablement permettre de les rassurer sur la réalité des risques qu’ils encourent », explique Stéphane Dhonte, bâtonnier du barreau de Lille. Un autre intérêt est de désengorger les tribunaux en démontrant qu’une médiation est peut-être plus intéressante que la voie judiciaire pour régler un contentieux.
Pour le moment, Prédictice peut s’appliquer pour à peu près tous les litiges, affaires familiales, droit commercial ou administratif, droit du travail, indemnisation du préjudice corporel… Sauf pour le droit pénal. « Ça existe déjà aux États-Unis où selon votre parcours, votre lieu de naissance, le fait que vous soyez enfant de divorcés ou pas, il y a des calculs de « prédictivité » de récidive », souligne Stéphane Dhonte. « On va calculer votre dangerosité via un algorithme et prendre la peine en fonction du taux de récidive possible, et là on tombe effectivement dans des bouquins de science-fiction, déontologiquement. » En attendant que soit tranchées les questions éthiques, plusieurs sociétés s’y intéressent fortement et lorgnent sur un marché estimé à un milliard d’euros.